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La remise des dettes en Grèce au temps de Solon

La littérature grecque ancienne a gardé le souvenir de questions qui font parfois écho avec notre actualité. Les textes cités dans cet article montrent comment, au début du VI° siècle, Solon s’est attaché à résoudre la question des dettes qui paralysaient l’économie et la société athéniennes.

De même que, à l’époque, les emprunteurs devenaient les esclaves de leurs prêteurs, la Grèce actuelle semble désormais être devenue esclave de ses créanciers. Pourtant aujourd’hui, on n’envisage qu’avec beaucoup de réticence une solution analogue à celle de Solon : la levée même partielle du fardeau financier.


La remise des dettes en Grèce au temps de Solon

Article publié sur Libres Feuillets : http://www.ouvroir.info/libresfeuil...

Pages choisies dans la Constitution d’Athènes d’Aristote (C.A.) et dans la Vie de Solon de Plutarque (V.S.), par Maryvonne Lemaire.

Au début du VI° siècle av J.C., Athènes connaît une grave situation de crise. Il se produit une longue lutte civile du fait de l’inégalité sociale : les prêts étant gagés sur la personne du débiteur.

C.A. II 1-3

« Après cela, il survint entre l’aristocratie et le peuple un conflit qui fut de longue durée. En effet, leur constitution était en tout point oligarchique ; et, en particulier, les pauvres étaient les esclaves des riches, aussi bien les hommes que les femmes et les enfants. On les appelait clients et « hectémores » (soumis au paiement du sixième) ; car c’était moyennant ce fermage des cinq sixièmes qu’ils travaillaient les terres des riches.

Toute la terre était entre les mains de quelques-uns ; et, si les paysans ne s’acquittaient pas de leur fermage, on pouvait les emmener en captivité, eux et leurs enfants ; et les prêts, pour tous, étaient garantis par la personne du débiteur jusqu’à la venue de Solon, premier chef du parti populaire.

Donc, ce qu’il y avait de plus pénible, de plus amer dans la constitution, c’était, pour le plus grand nombre, l’esclavage. Toutefois, les autres dispositions étaient aussi un sujet de mécontentement : car, pour ainsi dire, le peuple n’avait aucune part aux affaires. »

Solon, élu archonte en 594, entreprend de résoudre cette crise. Il est choisi comme médiateur entre le peuple et l’aristocratie.

C.A. V-VI, 1

« Telle était l’organisation de la constitution ; le plus grand nombre était l’esclave de la minorité : aussi le peuple se souleva contre l’aristocratie. Comme le conflit était violent et que, depuis longtemps, ils se faisaient face les uns et les autres, d’un commun accord, on choisit Solon comme médiateur on lui donna pour mission de réformer la constitution, après qu’il eut écrit une élégie dont voici le début :

« Je comprends ce qu’il en est et, dans mon cœur, je ressens de la douleur en voyant la plus vieille terre d’Ionie que l’on est en train d’assassiner »

Dans cette élégie, il lutte et discute avec les deux partis dans l’intérêt de chacun d’eux et après cela, il les exhorte en commun à mettre fin à leur rivalité actuelle. Solon, par sa naissance et sa renommée, faisait partie des premiers de la cité, mais par sa fortune et son activité, il appartenait à la classe moyenne, comme les autres auteurs le reconnaissent et comme lui-même l’atteste dans le poème que voici, où il exhorte les riches à ne pas prendre plus que leur part :

« Vous, apaisez dans votre poitrine la violence de votre cœur, vous qui en êtes arrivés au dégoût de nombreux biens, disposez à la modération votre esprit hautain : car nous n’obéirons pas et tout ne se conformera pas à vos désirs. »

Et, d’une façon générale, il rejette la responsabilité du conflit sur les riches…

Placé à la tête des affaires, Solon libéra le peuple pour le présent et pour l’avenir en défendant de prendre pour gage la personne du débiteur ; il établit des lois, il annula les dettes tant privées que publiques, ce que l’on appelle du nom de « seisachtie » (levée du fardeau), voulant signifier par là que l’on s’était débarrassé de son fardeau. »

Solon est accusé de délit d’initié

V.S. XV 7-8-9

« Mais ces mesures lui attirèrent, dit-on, une affaire fâcheuse. Comme il s’apprêtait à abolir les dettes, et cherchait des arguments convaincants et un préambule adapté, il s’en ouvrit à ceux de ses amis à qui il se fiait le plus : Conon, Clinias et Hipponicos. Il leur dit qu’il ne toucherait pas aux terres, mais qu’il avait décidé d’annuler les dettes. Les trois hommes prirent aussitôt les devants : sans attendre, ils empruntèrent aux riches des sommes considérables, et achetèrent de grands domaines.

Quand ensuite le décret fut publié, ils gardèrent les biens qu’ils avaient acquis, et ne remboursèrent pas ceux qui leur avaient prêté de l’argent. Cette affaire exposa Solon à des accusations et à des calomnies très graves : on prétendait qu’il n’avait pas été trompé par ses amis, mais qu’il était leur complice.

Toutefois, il se lava bientôt de ce reproche, car on découvrit qu’il avait prêté cinq talents, et il fut le premier à remettre cette dette, conformément à la loi : selon certains, notamment Polyzélos de Rhodes, il s’agissait même de quinze talents. Quant à ses amis, ils furent désormais surnommés Chréocopides (Coupe-dettes). »

Des mesures juridiques, politiques, économiques complètent la seisachteia

C.A, XII, 4. Poème de Solon, cité par Aristote :

« Quant à moi, le but pour lequel j’ai rassemblé le peuple, en quoi y ai-je renoncé avant de l’avoir atteint ? Elle peut en porter témoignage devant la justice du Temps, la mère toute-puissante des Olympiens, mieux que quiconque, elle, la Terre noire, dont j’ai un jour arraché les bornes plantées en maints endroits dans le sol ; auparavant esclave, maintenant elle est libre.

Ils sont nombreux, ceux qu’à Athènes, leur patrie fondée par les dieux, j’ai fait revenir : ils avaient été vendus, celui-ci injustement, celui-là au nom de la justice, les uns partis en exil sous l’effet d’une implacable nécessité, ne parlant plus la langue attique, comme il arrive à des gens qui errent en tous lieux ; les autres, qui connaissaient ici même un esclavage indigne et redoutaient l’humeur de leurs maîtres, j’ai fait d’eux des hommes libres.

Ceci, je l’ai accompli par la force de la loi, en associant la contrainte et la justice, et j’ai suivi ma route comme je l’avais promis. J’ai rédigé des lois aussi bien pour le méchant que pour l’homme de bien, préparant pour chacun une justice droite. (…) Pour ces raisons, faisant front de toutes parts, je me suis débattu comme un loup au milieu d’une meute de chiens. »

Solon part pour un voyage de dix ans en Egypte pour permettre l’application des lois écrites.

C.A. XI, 1-2

« Après qu’il eut organisé le régime politique de la façon qu’on a dite, puisqu’on l’ennuyait en venant le voir à propos de ses lois, en critiquant certains points, en demandant des précisions sur d’autres, comme il ne voulait ni les changer ni se faire détester en restant, il partit en voyage en Egypte, pour ses affaires en même temps que pour la visiter, et dit qu’il ne reviendrait pas de dix ans.

Car la justice, estimait-il, ne consistait pas à ce qu’il reste pour expliquer ses lois, mais à ce que chacun fasse ce qui était écrit. Il arrivait à la fois que beaucoup de nobles lui étaient devenus hostiles à cause de la réduction des dettes, et que les deux camps opposés avaient changé d’avis, parce que la situation avait trompé leur attente.

En effet, le peuple croyait qu’il ferait un nouveau partage général, et les nobles qu’il remettrait tout dans le même ordre, ou ne ferait que des changements mineurs. Mais Solon s’opposa aux deux camps et, alors qu’il lui était possible de s’appuyer sur celui des deux qu’il voulait pour exercer la tyrannie, il préféra s’attirer la haine des deux pour avoir sauvé la patrie et établi les meilleures lois. »

Telle fut, selon Aristote « la troisième des onze étapes des Athéniens vers la démocratie », sous l’archontat de Solon, poète et législateur, désigné comme l’un des sept Sages.

Maryvonne Lemaire

Bibliographie indicative :

  • Aristote : Constitution d’Athènes. Le Livre de Poche, 2006.
  • Gravil, Mauroy, Pauliat : Le grec par les textes 2°/1°. Magnard, 1997.
  • Mossé (Claude) : Histoire d’une démocratie : Athènes. Le Seuil, 1971.
  • Plutarque : Vies parallèles (Vie de Solon). Quarto Gallimard, 2001.

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